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Le Jardin des délices - Podcast créatif

Il s'appelait : j'ai perdu mes clefs

Je me noie...

Entre poésies juvéniles inutiles et naïves, proses merveilleusement aguicheuses reçues d'un séduisant serpent, envolées lyriques désespérément fades et documents anciens parfaitement prosaïques et quelconques, je me noie.

Il était pourtant là, j'en suis sûre, dans ce dossier, là, au milieu de tous les autres... à sa place. Je garde tout. Sauvegarde tout...

« J'ai perdu mes clefs. »
C'est comme ça qu'il s'appelait ce fichu texte.
Je l'ai cherché toute la nuit. Enfin, n'exagérons rien, quelques heures... deux... allez, peut-être trois. Et même si c'est le bazar dans mes enfers, mes écrits, eux sont plus ou moins rangés aux mêmes endroits et lui, évidemment, n'y est pas.

Il parlait de ma difficulté à écrire, de la façon dont je perdais régulièrement les clefs de mon monde imaginaire, et me retrouvais nez à nez avec une porte close, verrouillée, impossible à desceller.
Là, face à ce bloc ferme immuable, je me lasse. Les larmes coulent, roulent et inondent mon âme mélancolique. Ne sera-t-il jamais présent ce temps où j'écrirai sans souffrir ?

Envahie par le désespoir. J'abandonne... une énième fois et tente d'oublier l'appel de ma plume, de mon cœur, de mon âme.

Soupirs...

Je me noie...
Je me noie à la recherche d'un texte que je ne retrouve pas. Pourtant, je suis sûre de l'avoir écrit, il a teinté ma mémoire, il l'a marquée au fer, j'ai même l'impression d'en saisir encore les subtilités.
Je vous le jure...
Je m'en souviens...
C'est moi qui l'ai écrit.
Et puis, de toute façon, je l'ai coché, là, comme ces autres, sur cette fiche, alors il devrait être parmi eux. Vous ne croyez pas ?
Ces autres, je les ai bien retrouvés, eux !
Et ils me narguent et agitent leurs lettres pour me signifier leur imparfaite réalité, leurs souvenirs enténébrés qui rongent mes entrailles.
Quant à celui que je cherche... mystère et boules de suif. Il a disparu. Éliminé. Envolé. Évaporé.

Probablement égaré dans les méandres du Web éphémère.
Erreur de sauvegarde.
Les affres du numérique.
Évanoui dans l'éthérique enfer digital. Pas la fleur... ni les doigts d'ailleurs...

Je l'avais pourtant coché sur ma liste... Mais c'était il y a tellement longtemps. Depuis, beaucoup de choses ont changé : moult déménagements, des données qui s'égarent, des sites s'éteignent et offrent une saveur âcre d'impermanence...
Il y avait longtemps (ironie) qu'elle ne m'avait pas chatouillée celle-là... l'impermanence.

Sourire...

Et si cet événement n'avait été déclenché par l'univers que pour me dire « avance, arrête de te retourner sur le passé... avance et lâche l'affaire ! Avance ! »
Fichtre, c'est bien possible.
J'en suis même certaine.
L'univers me taquine, me pousse vers une voie que je crains depuis tellement longtemps.
Franchirai-je le pas ?
Me laisserai-je de nouveau pétrifier par mes peurs archaïques ?
N'y a-t-il pas d'entre deux savoureux ?

Entre les nausées du passé qui ressurgit tel un monstre rugissant et la fierté de quelques audacieuses mêlées artistiques des maux qui s'amourachent et se mélangent, je me suis dit : « c'est sacrément le bordel dans tes affaires ma grande. Il est temps d'avancer. De grandir, de se montrer. Un peu. Allez juste un peu. Non mais ose bon sang ! »

Et si...
Et si vous tourniez la page de couverture, juste pour voir ce qu'il se passe dans les tréfonds de mon âme.
Noble lecteur.rice, je vous tends une clef... Mieux je vous ouvre la première porte. Et regardez mon trousseau, il y a mille serrures et plus encore à déverrouiller. Et si vous franchissiez ce seuil avec moi dans une turbulente envolée ?
Oserez-vous de votre plein gré m'accompagner ?

Brocéliande, 11 décembre 2021 * 05h15