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Midnight feather tales
Pardonnez, Monsieur, mon audace d'oser vous transmettre ces mots de minuit, mais la pulsion émulatrice est bien plus forte que ma raison et je ne saurai la taire.
Tomber sur votre art, comme un hasard malicieux, ravive des souvenirs éthérés de mots échangés, il y a longtemps....
Trop ?
Impression d'avoir perdu en chemin une partie de moi, d'avoir éteint à grandes eaux une passion qui m'animait...
Me juguler.
M'étouffer.
Me... piétiner. Sauvagement.
Vous savez, tout ce qu'on n'exprime pas se cristallise dans le corps et le désagrège. Petit à petit.
Impression d'avoir oublié... de m'être oubliée. L'être, plutôt que l'avoir. Haha ! Comment ai-je pu confondre ? Je l'ai simplement perdue.
Oui, j'ai perdu une plume pour en trouver une autre, mais laquelle est la mieux ? Laquelle me fait sentir vivante ? Laquelle est réellement la mienne ?
La tortueuse-poétique qui, il y a près de 200 lustres, osait mettre des mots sur des maux et les envoyer à ses destinataires ?
La délicate-ciselée qui décrit une nature luxuriante que dans la réalité on massacre à coup de tractopelles et de BASF Bayer Mosanto, peu importe son nom ?
La sensuelle-taquine et coquine qui tente de faire chanter les mots, comme on les hume, les goûte de tous nos sens et dont le frisson orgasmique lèche l'échine jusqu'à la racine ?
Ah... cette dernière me fait cruellement défaut.
Sont-elles toutes à moi ou est-ce que je ne sais tellement plus qui je suis que je me suis laissée pénétrer intimement par celles des autres à en être imprégnée jusqu'à la folie ?
Scission de l'âme.
Non, je ne crois pas. Elles sont toutes miennes, chacune d'entre elles, même celles que je ne maîtrise pas. Toutes.
Peurs...
Peur des autres. Peur de choquer. Peur d'oser.
Peur d'être moi.
Sans entraves.
Libre.
Hon sha ze sho nen. Chaque parcelle du Vivant est une facette d'un même tout. Tout est lié. Aho mitakuye Oyasin.
Interdépendance...
Des mantras récités pour retrouver une attache probablement perdue.
Tiens donc... Rappelez-vous l'attache. L'attache tache... l'âme.
Il n'y a pas de hasard.
Synchronicités.
Et si...
Et si, par un jeu du destin, de ce taquin univers, votre passion m'avait été livrée pour que je puisse m'unifier ? Unifier ma plume. Lui donner de l'Éros, du Thanatos et de ces mots qui me font rougir en secret. La rendre vivante. Pulsionnelle. Passionnelle.
Et faire exploser ce syndrome de l'imposteur qui me noue les cuisses et me fait chuter à chaque tentative de mouvement.
Vous ravivez une flamme, Monsieur, et je souhaiterais qu'elle ne s'éteigne jamais, qu'elle s'embrase comme un soleil aux dimensions infinies et illumine ma plume, ma voie, ma vie.
Impression de retrouver un lyrisme perdu. Explosion d'émotions enfouies.
Vous ravivez une flamme, Monsieur, et je souhaiterais qu'elle ne s'éteigne jamais.
Jamais.
Brocéliande, 03 novembre 2021