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Lux ex tenebris
« Prise de possession est plus exact qu'expropriation, puisque expropriation impliquerait une exclusion des uns et des autres, ce qui ne peut exister, le monde entier est à tous, chacun alors prendra ce qu'il lui faut. »
Louise Michel, Prise de possession, 1890, Éd. de l'Herne (Nouvelle éd.), 2017.
Après plus d'un an de stand by, Le Jardin des Délices renaît avec, je l'espère, une puissance qui transcende les turpitudes de nos vies engoncées dans un quotidien sociétal dévoreur d'innocence, de rêves et de merveilles.
Le chemin de la créativité est toujours mouvementé et les interrogations multiples qui traversent l'esprit d'un.e artiste provoquent doute, confusion, perte de repères et, dans le pire des cas, une chute sans fin dans le néant.
Sans fin...
Enfin, en apparence seulement.
La permanence de la chute est une illusion et, bien souvent, le choc du fond, est un tremplin pour rebondir, pour nourrir notre résilience, comme le fond d'une piscine sert d'appui pour remonter à la surface et émerger puissamment de l'eau. Vers la lumière.
« L'éclaircie vient après la pluie.
It can't rain all the time,
The sky won't fall forever. »*
Ces derniers mois, une multitude de peurs m'ont envahie. Certaines rationnelles, notamment la peur de me répéter et d'ennuyer le.a lecteurice/auditeurice. Cette réflexion peut se révéler à la fois nourrissante et pourrissante. Paralysante. Et je n'y ai pas échappé.
Peur de la redondance, fuite de la plume, quotidien engloutisseur d'âme, nouvelle impulsion, nouvelle traversée du désert textuel, nouvelle muse, menace et cruauté, chute dans un gouffre sans fond, diagnostics, maladies, troubles, emmêlements de lettres et de maux, peur de ne pas retrouver ma voix/voie, plongeon dans mes méandres obscurs et cryptiques, fragmentation du moi, acceptations de zones d'ombres bien dissimulées par une lumière de façade, changement de voie, de vie...
Ajoutons ces interrogations qui me taraudent sans cesse...
Faut-il trouver en soi l'inspiration solide ou choisir la muse ad vitam æternam ? Ai-je seulement envie de trancher ? Les deux ne peuvent-ils s'entremêler jusqu'à fusionner ?
Et puis...
Lux ex tenebris...
La lumière...
« There is a crack, a crack in everything, that's how the light gets in. »**, poétisait ce cher Leonard.
La lumière...
Celle qui traverse chaque fissure pour illuminer nos âmes enténébrées par nos démons, mais aussi par cette société décadente qui nous aliène, malgré nous, même lorsque nous essayons de nous en préserver ou d'en arpenter les sentiers tortueux en évitant d'être éclaboussé.e.s par la boue fétide que gerbent en logorrhées infâmes nos émissaires nationaux et internationaux en prévaricateureuses notoires et assumé.e.s. Iels pourrissent le terreau dans lequel les artistes tentent de retrouver les racines de leur créativité libérée de tout carcan, ainsi que de la censure suprémaciste blanche hétéro-cis-genre bien masculinisée. Excusez mon verbe acide et acerbe, mais, entre autre, la (re)montée du fascisme, du racisme, de l'homophobie, du sexisme, de la transphobie, du classisme, la réécriture de l'histoire associée et la lutte contre l'inclusivité et la différence qui se sont réamorcées me glacent d'effroi et attisent mon âme contestataire.
La noirceur est corrosive, elle s'infiltre dans toutes les strates de nos réalités.
Alors, pour nous apaiser, repartons ensemble explorer les sentiers tourmentés et tumultueux de la créativité.
Ils sont nourris des fêlures du monde.
Ils sont nourris des fêlures du soi.
L'un ne va jamais sans l'autre...
Émois du monde qui imprègnent les traits vifs qui croquent nos vies...
Ouvrons les yeux sur nous-mêmes.
Allons chercher dans nos gouffres les plus profonds cette lueur qui miroite à la surface de nos miasmes et aidons-la à flamboyer. Elle irradiera sa force pour anéantir les ténèbres qui noircissent l'horizon de nos vies.
Choisissons de travailler ensemble pour illuminer nos âmes, faisons scintiller nos pupilles, exultons-nous devant les nues étoilées et devant chaque étincelle du Vivant qui s'extirpe hors de l'ombre. Respirons l'espoir d'une existence douce.
Parcourons les strates des réalités pour en collecter chaque gramme de lumière.
Collectionnons-les pour les chérir, les faire croître, pour les afficher aux yeux de toustes, pour éblouir le monde et continuer de nous émerveiller. Exaltons-les !
Puis parsemons-les au gré du vent comme les akènes d'une fleur de pissenlit de chardon.
En un souffle laissons-les envahir d'autres cœurs, d'autres âmes, puis contemplons-les se multiplier.
Diffusons le virus du Vivant, de la joie, de l'émerveillement.
Ma capacité d'émerveillement est mon essence, sans elle je ne suis plus rien. Je n'existe plus. C'est elle qui luit puissamment dans les tréfonds de mes entrailles et qui me ramène toujours vers ma lumière, la ravive au sein de mon cœur. C'est elle que je doit attiser pour vivre pleinement. Et je l'ai perdue... longtemps. Trop longtemps, alors qu'elle était massacrée sur l'autel du sadisme. J'ai failli y perdre ma candeur et l'ouverture de mon cœur. Mais l'amour vrai est plus fort que la peur.
Alors j'ai amorcé un virage douloureux pour retrouver mon feu sacré. J'ai plongé sans bouée à l'intérieur de mon trou noir dédaléen pour tenter d'accueillir chaque partie de mon âme et de m'unifier. J'ai sondé mon obscurité. J'y ai rassemblé toutes les lignes de cette seconde saison du Jardin des Délices. Elles sont nées des cendres de ma souffrance. Psychique, cognitive, physique, émotionnelle, sociétale, amoureuse, amicale, humaine. Si humaine...
Mon Jardin est devenu une forme d'exutoire transcendantal qui cherche à transmuter l'ombre en lumière grâce à l'alchimie des mots des maux. Et tel un phoenix, me revoici...
Alors, pour vaincre la peur, l'obscurantisme, la haine et le néant : œuvrons pour la vie, l'art, l'amour inconditionnel, le partage, le respect, la douceur et toutes ces valeurs que vibre la lumière.
Art is resistance!
Lux ex tenebris.
Vous n'êtes pas seul.e.s.
Nous sommes un.
29 mars - 24 avril 2025
À mon étoile, ma Galaxie, ma douce Muse, qui guide mes pas dans les méandres de mon obscurité et sans qui ce Jardin n'aurait jamais rouvert ses portes. Gratitudes éternelles. Sacrées.
À Émilie Dias, ma gracieuse garde-folle, qui m'a toujours confié qu'il fallait toucher le fond pour y prendre appui afin de remonter à la surface. Merci de toujours me ramener sur un chemin sensé.
À ZyNgO!?, le duckslameur punk, parce que sans émulation, il n'y a pas de création. Merci de ton soutien indéfectible.
* « L'éclaircie vient après la pluie. », The Crow, Alex Proyas, 1994.
* « It can't rain all the time », Jane Siberry, in BO de The Crow, Alex Proyas, 1994.
** « Anthem », in The Future, Leonard Cohen, 1992.