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Lettre à mon Pelleteux
Aujourd'hui, je vous propose un texte un peu particulier. Il est extrêmement récent et c'est rare que je ne laisse pas un temps de latence, avant de publier, pour me détacher complètement de l'écrit. J'ai à la fois des difficultés à m'en libérer et une impulsion qui me pousse à le publier rapidement.
Alors, je réponds à l'appel...
Je vous présente aujourd'hui le Pelleteux, personnage fictif qui pourrait représenter un ego destructeur, mon ombre. Il est l'un des spécimens qui peuplent le cirque de ma psyché déstructurée...
Namaste mon cher Pelleteux,
Oui, tu vois, même à toi, j'adresse une salutation respectueuse avec une majuscule bien placée, parce que, malgré tous tes défauts, je sais que tu essaies de me protéger et je ne peux pas éprouver de haine envers une entité dont les intentions sont pures et honorables.
Et puis, je ne sais pas si je peux éprouver de la haine pour quiconque, mais ça, c'est un autre sujet...
Je t'offre aussi toute ma compassion, mon amour, ma bienveillance, tout ce que tu ne m'offres pas, toi, je te l'offre et je t'expliquerai plus loin pourquoi je te fais ce cadeau... après tout, un peu de douceur n'a jamais fait de mal à qui que ce soit.
Patient, tu m'attends irrégulièrement, au bout d'une impasse, dissimulé dans la pénombre d'une porte cochère, ou singeant une dryade derrière un arbre urbain isolé de ses congénères, pour me frapper le crâne d'un violent coup de pelle, au moment où je m'y attends le moins.
Et, évidemment, c'est souvent en pleine ascension que tu m'étourdis vaillamment.
Lorsque je ne suis plus sur mes gardes...
Sonnée, je reste lasse, pantoise, le regard vague, figé dans le vide obscur, à nouveau entravée, anesthésiée, apathique, presque amnésique de ma propre volonté à créer.
Plongée dans mes abîmes sans fond, mes yeux se voilent.
Mon âme est usée de te débusquer avant même que tu assènes tes coups, de décrypter tes énigmes méandriques et douteuses qui nuisent à ma santé créatrice. Tu réussis même systématiquement à museler iXiar*, à lui couper les ailes, comme les miennes.
Après m'avoir battue, ces jours-là, tu me demandes de tout abandonner, de lâcher l'affaire. Tu imposes ta vision de ma vie. Tu me dis que je vais encore me ridiculiser, me planter, échouer... et tes doux mots malsains me paraissent tellement chaleureux et réconfortant, au creux de mon oreille, que j'en frissonne parfois d'extase en m'oubliant à toi.
Tu es mon plus vieil ennemi.
Mon cher Pelleteux, tu affirmes vouloir me protéger des autres. Mais qui protèges-tu vraiment en m'empêchant de me fondre en mes rêves et en subtilisant mes besoins ??
On me parle d'intégrité, d'équilibre entre les mondes, qu'ils soient énergétique, spirituel et matériel. Les rêves appartiennent auquel d'entre eux ?? Ne sont-ils pas un pont qui les relie ?? Alors pourquoi désires-tu ardemment les annihiler, s'ils représentent une harmonie de l'être ??
L'existence sacrificiel ne m'intéresse pas ?! Et tes faux préceptes ne me convaincront plus. Tu m'as fait oublier tellement de fois que moi aussi je comptais, que moi aussi je pouvais être...
Oui, simplement être.
Toujours et simplement...
Être...
Encore et toujours, rêver et offrir au monde du rêve. Faire pétiller les pupilles dilatées. Les remplir d'étoiles, autant que les miennes ont brillé.
Tu cherches à me protéger de qui, de quoi, en me frappant ?? Tu prends plaisir à me narguer lorsque je peine à aligner trois mots et quand j'accumule les erreurs de français, tu collabores avec mon complexe de l'impostrice, dans mon dos, à l'ombre de mon inconscient. Tu es sournois et manigance sans fin ma déchéance, que tu juges inexorable.
Mais ma déchéance signifie ma mort et mes réflexes de survie sont plus grands que toi.
Ah, mon cher Pelleteux, mes sentiments sont si confus. Parfois, j'ai l'impression de te haïr autant que je t'aime.
Te combattre, c'est la bataille de toute ma vie.
Entre des hauts et bas vertigineux, des montagnes russes extrêmes et des sauts dans le vide sans une seule sécurité, je tente de ne jamais abandonner mes rêves, malgré tes assauts multiples. Et c'est de cette façon que je mets au monde des mots qui reflètent mes maux.
Oui, je te hais autant que je t'aime, parce que sans toi, ce texte n'existerait pas et je ne pourrais pas avouer à chaque lecteurice/auditeurice qu'iel n'est pas seul.e.
À toi, à jamais...
Toujours...
Anywhere out of the World, jeudi 27 octobre 2022, 23h51
*iXiar est la part animale de l'Enfant-Double, cf. Les Chroniques de l'Enfant-Double, La Légende de la Méduse.