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Le Jardin des délices - Podcast créatif

Syren

En bonne servante de la Samain, aujourd'hui, il est nécessaire de muter en freak pour éviter de se faire dévorer et place au cirque des monstres. S'adapter, en caméléon, laisser (dé)croître des nageoires (pour ma part) ou d'autres organes afin de se confondre au monde terrible qui nous entoure et peut-être y survivre... moi, de mon côté, je rejoindrais volontiers l'océan afin de me fondre au Vivant qui s'y dissimule. Profitez bien de votre levée de voile, je vous offre ce texte en offrande.

Son cœur m'appelle,
Il pulse au même rythme que le mien.
Son corps m'épelle,
Il connaît les sens sacrés du mien.

Je plonge profondément les mains dans ses entrailles bouillonnantes, foisonnantes.
Mille vies s'entortillent autour de mes poignets et incrustent leurs douloureux noms dans ma chair.

Je sens son appel, mais que dois-je leur transmettre cette fois ?
Dites-moi...
Chère Terre.

De sa peau qui regorge de moisissures, il dégorge des toxines humaines qu'elle doit chaque jour purifier. Il s'écoule hors d'elle, en flux incontrôlable, une boue visqueuse qui souille nos âmes.

- Non, je ne suis pas d'accord !

Ce cri de révolte s'échappe d'entre mes lèvres bleuies par l'effroi d'appartenir à cette espèce qui saccage au lieu d'aimer.

Elle m'appelle et son cri est si puissant.

Ses cellules crépitent en moi et inscrivent le noms de symboles étranges sur ma peau.
Ils me rappellent que rien ne dure, rien n'est éternel, si ce n'est l'énergie pure.
Et l'interdépendance.

Se fondre en elle, mes mains en son ventre pour en extirper son cœur encore chaud, encore battant et le camoufler, pour le protéger. Trouver un refuge, loin, isolé des trépidations des humains. Une grotte. Un sanctuaire.

Eux, ils mêlent leurs corps éthériques. Le passé les surplombe en ricanant. Le futur les toise, narquois. Incapable de sonder ce présent infini. Ils ne seront bientôt plus palpables.

La passion surprend l'âme et fige le temps.
Le quotidien les annihilera tous ou les enluminera.

Je regarde mes mains, prêtes à recommencer le processus maintes fois, prêtes à s'enfouir encore dans l'humus humide pour accéder à la conscience universelle et la préserver de ceux qui veulent, la souiller, la détruire. Pour créer.

Créer pour détruire, détruire pour créer. Un sacré paradoxe. Paradoxe humain.

Grow fins, go back in the water.

Et ces paroles, qui ne sont miennes, m'engloutissent au fond des abysses, là où seuls les sublimes monstres des fonds marins survivent. Ils sont ma famille, mes congénères, mes âmes sœurs. Ils n'attendent plus que moi pour célébrer le passage.

Respire et plonge.

Grow fins, go back in the water.

Ma peau pétille de milliers de constellations, des écailles irisées me recouvrent et je ne sens plus le froid. La bioluminescence des abîmes éclaire ma voie et parmi ceux qui la peuplent, mes écailles nacrées reflètent la vie. Parmi eux, elle me protège.

Grow fins, go back in the water.

Mais ils raclent le fond, ici aussi. Nous n'avons plus de refuge. Le désespoir nous guette.
Je ne m'avoue pas vaincue. Non !

Il me faudra la déplacer encore et encore.
Conscience mobile...
Gardienne du Vivant...

L'impermanence jugule vos vies. Parfois la régule. Jamais ne vous contente.

Lâche prise. Contemple.
Lâche prise. Savoure.
Lâche prise. Respire.

Respire.

Respire...

"There's a spot in the ocean
And that's where we'll meet
Somewhere far away
where fish can nibble at our feet
And we can grow fins, go back in the water
Grow fins, go back in the water,
Grow fins, go back in the water,
Grow fins, go back in the water..."*

Brocéliande, 25 juin - 27 sept 2022

*Try better next time", Never let me go, Placebo

Merci à Brian Molko et Stefan Olsdal pour leur travail. J'espère que le mien fera honneur au vôtre.
Puisse cette levée de voiles vous être douce.